Pourquoi l’Europe restera dans l’OTAN (faute de mieux)

Jordi Vives
Journaliste, Rédacteur

Le derniers accrochage entre les forces aériennes turques et russes à la frontière turco-syrienne a relancé le débat sur la question de la cohérence de l'OTAN. A droite et à gauche, de nombreuses voix s'élèvent pour réclamer le départ de la France de l'OTAN. Une demande légitime qui s'appuie sur les résultats catastrophiques de la politique internationale des États-Unis. Pour autant, la fin de l'OTAN aujourd'hui en Europe est-elle une solution réaliste ?

Née à au début de la Guerre Froide, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord est une alliance militaire menée par les États-Unis afin de contrer la menace que faisait peser à l'époque les divisions blindées et mécanisées de l'Union Soviétique sur l'Europe Occidentale. Depuis la chute du Mur de Berlin, cette alliance s'est élargie à d'anciens pays membres du Pacte de Varsovie et a évolué dans ses fondements même, passant d'une alliance défensive à une alliance offensive. C'est ainsi que l'OTAN a pu mener des opérations militaires en-dehors des frontières des états-membres comme ce fut le cas en Afghanistan.

Si l'OTAN est bien une alliance militaire menée par Washington, les états-membres sont-il aux ordres des Etats-Unis ? Dans la théorie non, toute intervention des forces de l'OTAN doit être approuvée par les représentants de différents pays. Dans la pratique, les forces militaires et donc leurs autorités politiques respectives, restent sous influence américaine. Pire, les États-Unis ne cachent plus leur volonté de faire bouger certaines lignes au sein de l'organisation en donnant notamment la possibilité au SACEUR (Commandant suprême des forces alliées en Europe- de nationalité américaine) de pouvoir engager certaines troupes de l'OTAN avant même la décision du Conseil de l’Atlantique Nord, c'est à dire les États-membres. Un exemple parlant qui n'est pas sans rappeler la gestion athénienne de la Ligue de Délos.

Mais quelle alternative alors pour l'Europe ? La Russie pourrait apparaître comme un nouveau partenaire privilégié dans ce domaine mais cela n'est pas sans soulever un certain nombre de problèmes. D'abord sur le plan technique, les armées russes et européennes employant aujourd'hui des matériels et des procédures très différents, les possibilités d'interopérabilité semblent pour le moins extrêmement minimes dans l'immédiat. Mais plus que tout, ce « renversement » d'alliance nécessiterait une volonté politique qui est aujourd'hui quasi-inéxistante tant en Europe qu'en Russie.

Reste une troisième voie, celle d'une armée européenne. Cette idée, loin d'être nouvelle, est restée longtemps lettre morte car la création d'une telle armée nécessite la mise en place d'un pouvoir politique unique dans le domaine de la défense et des relations internationales, chose impossible aujourd'hui dans une Union Européenne dirigée par 28 gouvernements différents. De plus, si cette option a longtemps été menée par le couple franco-allemand, soit les deux puissances européennes les plus présentes sur la scène internationale, bon nombre de pays européens n'ont pas les moyens d'investir lourdement dans les questions de défense et l'OTAN représente pour eux une alternative militaire qui a le mérite de « fonctionner » sur le terrain. Ainsi face à la Russie, il est peu probable que les États Baltes ou la Pologne prennent le risque de se lancer dans l'aventure que représente la création d'une armée européenne alors qu'ils peuvent compter sur la puissance militaire bien reelle et confortable des États-Unis. Un constat qui fonctionne également pour les pays les plus touchés par la crise économique et qui voient dans l'OTAN une sécurité à un coût raisonnable.

A moins d'un changement politique de grande ampleur, l'Europe semble contrainte aujourd'hui de vivre sous la coupe d'une « alliance » américaine et ce au détriment de sa souveraineté et de son indépendance.

Jordi Vives, 28 novembre 2015

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