Mediapart : le redressement fiscal confirmé par les députés

Le site d'information devra payer au fisc une ardoise de 4,1 millions d'euros pour s'être autoappliqué un taux réduit de TVA entre 2008 et 2014.

L'espoir n'aura été que de courte durée. Après un premier vote, début décembre à l'Assemblée nationale, qui entrouvrait la voie à une forme d'amnistie fiscale pour plusieurs sites d'information en ligne condamnés à un redressement fiscal, les députés ont finalement rejeté cette option mardi soir, ce qui devrait notamment obliger Mediapart et Arrêt sur images à régler leurs ardoises.

En novembre dernier, l'administration fiscale a notifié aux sites d'Edwy Plenel et deDaniel Schneidermann des redressements de respectivement 4,2 millions d'euros et 540.000 euros pour non paiement de la TVA qui leur était applicable entre 2008 et 2013. Sur cette période, les deux «pure players», présents uniquement en ligne, devaient légalement s'acquitter d'un taux de TVA de 19,6 % correspondant à celui imposé aux services en ligne. Mais dès leur création, précisément en 2008, l'un et l'autre ont défendu l'idée qu'ils devaient être soumis au même taux que la presse imprimée, soit 2,1 %.

Le combat d'Edwy Plenel

Une question de principe pour Edwy Plenel, qui demande alors un alignement sur le taux super-réduit de la presse papier au nom de la «neutralité» des supports. L'injustice, selon lui: que des éditeurs, qui ont pourtant une activité identique de diffusion de l'information, ne soient pas traités de la même manière. Son combat sera à l'origine de la création du Syndicat de la presse d'information indépendante en ligne (Spiil), qui compte aujourd'hui 148 membres, éditeurs de 175 titres de presse. Dès 2011, le Spiil a encouragé ses membres à s'appliquer eux-mêmes le taux réduit pour forcer le gouvernement à revoir sa copie. Et il a obtenu gain de cause, puisque le Parlement a voté l'alignement des taux en février 2014, autorisant Mediapart ou Arrêt sur images à appliquer, cette fois de façon tout à fait légale, le taux de 2,1 %. Au niveau européen aussi, même si la France a été condamnée pour avoir appliqué unilatéralement de nouvelles règles, Bruxelles a rouvert le dossier en vue d'un alignement des taux.

«Sur le fond, nous avons voulu dépassionner et rationaliser le débat», souligne Gabrielle Boeri-Charles, directrice du Spiil. Mais le sujet a vite été instrumentalisé. En novembre dernier, après les notifications du fisc, Mediapart et Arrêt sur images ont lancé des appels à la générosité de leurs lecteurs pour les soutenir financièrement. Et la classe politique s'est emparée du sujet. Le 12 novembre, des parlementaires de tous bords ont adressé une lettre au Président de la République pour trouver une solution.

Pendant ce temps, le Spiil s'est agité en coulisse pour que, dans le projet de loi de finances, une interprétation de la loi fasse valoir ses arguments. «Il y avait une incohérence à appliquer un taux de 19,6 % à des sites reconnus comme services de presse en ligne depuis la loi Hadopi du 12 juin 2009 et même, si l'on veut remonter plus loin, à des sites assimilés à des entreprises de presse, telles qu'elles sont définies dans la loi du 1er août 1986, c'est-à-dire neutres en termes de support», souligne Gabrielle Boeri-Charles. Pour le Spiil, le droit de la presse a ainsi rigoureusement aligné les droits et devoirs de la presse numérique sur ceux de la presse imprimée dès 1986. «Il y a donc une incohérence entre le droit de la presse et le droit fiscal. Il faut la rectifier», conclut la directrice du Spiil.

Procédures contentieuses en vue

Si l'argument a pu faire mouche un soir d'hémicycle déserté, par onze voix de députés contre dix, il a été retoqué par les sénateurs puis à nouveau par l'Assemblée mardi soir, par 40 voix contre 22. Sur le terrain parlementaire, l'affaire semble donc pliée. Mais Mediapart ou Arrêt sur images ne comptent pas en rester là. L'un et l'autre ont choisi la procédure contentieuse. Arrêt sur image a fait appel de la décision du tribunal administratif de Paris qui a confirmé son redressement. Et Mediapart ainsi qu'Indigo Publications (La Lettre A, Presse News) vont à leur tour saisir le juge administratif. Soutenus par le Spiil, les trois éditeurs déposeront «dès que possible» des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) auprès du Conseil constitutionnel et des questions préjudicielles auprès de la Cour de justice de l'Union européenne.

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